![]() |
Mike Oldfield |
|
| Tubular Bells. Mike Oldfield a 17 ans en 1973 : voici un premier album - instrumental, inconstant, décalé, irrévérencieux à l'égard de la pop et du rock - qui n'aurait pas vu le jour sans Virgin. Oldfield joue presque de tout : guitares acoustiques, folk, électrique (au singulier car Mike n’en avait qu’une seule), basse, piano, orgues, synthés archaïques, percussions, pipeau, voix... notamment une partie beuglée qu'il a enregistrée après avoir vidé une bouteille de whisky. | ![]() ![]() |
Vient ensuite Hergest
Ridge un an plus tard, au
démarrage plus soft, assez emprunt de lyrisme folk, avec
toujours un grain de
folie, mais moins déconcertant que TB selon moi.

En 1975, Ommadawn s'impose
comme un véritable bijou
: chaque écoute me met sous hypnose. Si cela
paraît plus répétitif que TB,
c'est parce qu'Oldfield prend le temps de développer les
mélodies, de les
rappeler par le biais de saisissants climax et changements d'ambiance.
Il y a
toujours une flûte, une cornemuse ou une mandoline bien
placée pour jouer à
cache-cache avec les guitares : résultat, on se prend au jeu.

En 1977, Incantations reprend
la marque de fabrique
d'Ommadawn, avec un orchestre pour renouveler un peu la recette. C'est
un
double album, inégal certes, mais indispensable.
1979 : premier album où
la précision froide du synthé
l'emporte sur le grain chaud du folk-rock : Platinum.
Une face
instrumentale (une incursion vers le jazz et le contemporain) dont les
interprétations live sont multiples (plus rock, plus disco,
plus soft ... il a
tout fait !) et l'autre chantée, très
variée (du folk punk au jazz mou) avec
souvent un chant décalé, surprenant, et pas
toujours très net.
1980
QE2 Oldfield
embarque
pour les années 80 … les
morceaux suivent le format 3-4 minutes. Seul
reliquat des années 70 (rappel : de longs
morceaux, une inouïe
variété d’ambiances, la
multiplicité des instruments de premier plan) : Taurus I,
du haut de ses 10 minutes. Les
cuivres, présents depuis Incantations,
sont à l’honneur dans le morceau titre, mais
c’est tout de même la guitare qui
se taille la part du lion (la technique de legato d’Oldfield
fait des
merveilles). Deux
reprises : « Arrival »
d’Abba (chanté ensuite par Balavoine) et
« Wonderful Land » des
Shadows (le groupe de Hank Marvin, qu’on retrouvera
à Londres - avec sa belle
perruque - aux côtés de Jarre – avec sa
belle veste). Invité
de marque, Phil Collins
(batteur-chanteur de Genesis) voit cependant sa performance
effacée au profit
des arpèges suaves de la chanteuse Maggie Reilly.
Oldfield et Reilly amorcent
ici une collaboration artistique sans précédent
entre un compositeur multi
instrumentiste et une chanteuse, ils connaîtront un
succès commercial
planétaire tout en proposant une musique ambitieuse et
accessible … bref, pas
de la soupe !

1981 :
Five Miles Out Oldfield
renoue ici avec le format de
Platinum : une longue suite sur une face, des morceaux plus
courts sur l’autre. La
longue suite, c’est « Taurus
II »
- je ne l’avais pas précisé, du nom
d’une gamme d’instruments Moog -
où l’on joue à
« Tubular Bells au pays
des années 1980 » … et
ça tient du miracle. Je ne m’en lasse pas. Quant
aux chansons, elles nous mènent dans
l’antichambre du paradis …
« Orabidoo » – petit
frère de
« Taurus II » – avec un
chant onomatopéique qui frôle le
ravissement ; mais surtout « Five Miles
Out », avec ses voix
radios (aviateurs dans la détresse) et
l’association turbulente de la voix
déchaînée
d’Oldfield avec celle, très mesurée, de
Maggie Reilly. C’est
sûrement l’album où la guitare laisse
intervenir le plus les synthés. (J’entends par
là les synthés joués, et pas les
programmations qu’on trouvera dans
« Islands » et tous les albums
qui
suivront).


1983 :
Crises
… D’abord,
sur la face A, l’imposant
« Crises »
surprend. On connaissait d’Oldfield de longs morceaux faits
d’expositions
ambiantes assez tendues et d’une succession de passages
très courts et très
variés. Là, les thèmes sont
très posés, les styles aisément
identifiables, le
seul grain de sable dans l’engrenage est le chant de Mike
… atypique, s’il en
est … mais j’achète ! Vient
« Moonlight Shadow », le
tube, dont il ne reste plus grand chose à dire si ce
n’est que tout (le texte,
les mélodies, la structure,
l’interprétation) y est à sa place.
Seul
regret : Virgin demandera désormais à
Oldfield que chaque album ait un
tube de ce calibre. Résultat : auto-imitation,
frustration, auto-parodie,
puis clash avec Richard Branson. M’enfin j’anticipe
là. La
chanson suivante est « In High
Places », difficile à qualifier tant le
jeu d’Oldfield y est discret et le
chant de Jon Anderson (du groupe Yes) céleste. « Foreign Affair »,
c’est le tiercé gagnant, car il est rare de
trouver dans un album de Mike trois
bons morceaux chantés à la suite. Il
n’y en aura pas quatre, car l’éclatant
« Taurus III » vient refermer le
triptyque « Taurus » (un
autre tiercé gagnant – ou trilogie victorieuse si
l’on ne veut pas que cette
page attire les gens qui tapent
« tiercé » sur Google.) La
crise devient exacerbée sur « Shadow
On The Wall », du rock anglais binaire
mené par une basse dactylique, des
guitares criardes en contrepoint et le chant de Roger Chapman, rocker
tout
aussi décadent que bedonnant. Dans le livret
intérieur, Mike Oldfield avouait
que se tourner vers le heavy metal (sic) l’avait toujours
tenté. Je vous laisse
faire vos propres commentaires.

Bref
… cet album, qui ne se résume pas qu’au
tube « Moonlight Shadow » est
à la fois un vecteur de plaisir
immédiat et une référence musicale que
tous les aspirants compositeurs de
poprock devraient étudier.
1984
Si
Mike Oldfield émigre en Suisse, c’est
autant pour trouver l’inspiration au bord du Léman
que pour payer moins
d’impôts … l’enregistrement de
l’album Discovery
verra défiler moins
d’invités que les
précédents, puisque Oldfield y joue tout, sauf la
batterie tenue de nouveau par
Simon Philips (futur batteur de Toto). Quant au chant, Maggie Reilly
revient et
partage les titres avec Barry Palmer (chanteur de Triumvirat). Ils
iront
jusqu’au duo dans le très kitsch
« Tricks Of The Light ». Mais
où est la découverte dans cet album (à
part les sons et les séquences du Fairlight) ? Ces
morceaux sont ultra
calibrés, binaires, composés pour accrocher
l’auditeur, mais moi ça me laisse …
tiède. Certes, on retrouve l’étincelle
oldfieldienne dans le banjo et la
mandoline de « To France » (le
tube mondial), le solo de
« Poison Arrows » et le contraste
tendresse/puissance de « Saved
by a Bell ». En
lot de consolation : les mélodies,
le ternaire ravageur et les expérimentations de
« The Lake »,
l’instrumental de 12 minutes qui fait office de conclusion
à l’album.


1984
The Killing Fields D’aucuns
écrivent qu’après Discovery,
Oldfield a pu laisser libre cours à son imagination en
travaillant sur la
musique de ce film (titre VF : La Déchirure). Mais
je n’y crois pas une
seconde. C’est bien du Mike Oldfield estampillé
Fairlight, avec des plages
ambiantes au sustain infini, des séquences
mécaniques oppressantes, mais aussi des
thèmes rappelant la musique asiatique, et comme morceau
phare non pas une compo
mais une reprise (l’étude
« Recuerdos de la Alhambra » -
classique de
la guitare espagnole) ! C’est donc une rupture
totale avec les albums
précédents, pensée dans le cadre
d’un film fort et très prenant (pas de place
pour laisser « libre » cours
à l’imagination !) Ce
qui m’amuse c’est que c’est la
première
vraie musique de film de Mike Oldfield - la présence de
l’ostinato de Tubular
Bells dans les films l’Exorciste, Neon, La Jeune Fille
Assassinée, Black
Christmas, Weird Science… étant un emprunt (de
même pour les extraits
d’Ommadawn dans deux films X de Warren Evans).

1985
1987
Islands Globalement,
par rapport à Discovery, les
morceaux sont plus soft, moins kitsch, et les tempos plus lents. Ca
ressemble
presque à du Abba, d’ailleurs la principale
chanteuse (Anita Hegerland, alors Mme
Oldfield à la ville) est suédoise. Ils se
rencontrés lors de la tournée
Discovery, Anita est venue chanter sur le single
« Pictures in the
Dark » (du pur Abba cette fois-ci). Quant au morceau
titre, il est
interprété par Bonnie Tyler, pas mal mais pas
transcendantal non plus. Encore
une fois, on a des chansons ultra
calibrés FM et un long instrumental … Rien de
très folichon au menu, les
harmonies sont basiques voire niaises, et la dernière
chanson « When the
Night’s on Fire » va
jusqu’à nous resservir carrément les
mélodies de la
première « Islands ».
Quant à « The Wind
Chimes », la suite
de 21 minutes, elle est finalement très froide et semble
composée de mélodies
ou de breaks refusés dans les autres chansons …
en cela elle préfigure
« Music from the Balcony » de
l’album Heaven’s Open. Parfois, on a
envie de découper cette suite en 4 ou 5 morceaux bien plus
courts, plus
cohérents, en mettant en valeur les nombreuses citations
à Tubular Bells. Ce
n’est pas la seule citation :
« The Wind Chimes » contient un
solo de flûte à fort trémolo, comme
dans « One Night In Bangkok » de
Murray Head, morceau composé par
Bjorn Ulvaeus … d’Abba !

1989
Earth Moving L’album
tant décrié des fans paraît-il
… que
dire … eh bien : rien ! Ce
n’est pas le genre d’albums que
j’écoute,
donc je ne saurais comment évoquer ce que j’y
entends … Malgré cela, je vais
poursuivre dans ma discographie commentée et vais vous
décrire les 10 morceaux
d’Earth Moving, par pur respect du lecteur ! 1
« Holy » :
dès l’intro, ça
sent bon le Korg M1 … élu synthé de
l’année 1988. Adrian Belew au micro a la
lourde tâche de nous faire pénétrer
dans cet album exclusivement composé de
chansons. Chaque morceau a son solo de guitare, mais il est rarement
bien amené,
rarement en phase avec le reste. Bref,
« Holy » est à
l’image de ce
commentaire général …
métronomique, binaire, creux … Belew
s’en sort très bien,
mais c’est le seul. 2
« Hostage » : du rock FM
cuivré … lassant … seule
étincelle : le son de guitare arrive à
maturité
pour Amarok (l’album suivant). 3
« Far Country » : seule
chanson que je trouve bien. Paroles simples, mais
évocatrices (Oldfield y parle
de sa fille … dans
« Holy »
c’était son fils). Les deux premières
minutes sont sans batterie - vu qu’elle est
programmée sur tout l’album, cette
absence est un bon point. Elle arrive au début
d’un très beau duo de
guitares : Adrian Belew (que vous avez
déjà entendu dans Zoolook et les
albums des Talking Heads et de King Crimson) dans l’oreille
gauche et Mike dans
la droite. 4
« Innocent » : a
beaucoup
plu aux Allemands. 5
« Runaway Son » :
mêmes
remarques que Hostage. 6
« See the Light » :
même
remarque que pour Innocent. J’y ajoute une ressemblance avec
ce qui se faisait
en rock FM à l’époque (Status Quo,
Century, Scorpions). 7
« Earth Moving » :
chanson
type pour passer au concours de l’Eurovision (avec solo de
saxo et fin ad lib
en fade bien sûr). 9
« Nothing But » : belle
performance vocale … mais tout cela sonne vraiment trop
« chanson de fin
d’un film de Walt Disney des années fin
90 ». 10
« Bridge To Paradise » et le
rock revient … le morceau est pas mal, grâce
à sa ligne de chant moins
conventionnelle. Les chœurs à la fin font
très Yes (période 90125).

1990 Amarok Préambule :
Virgin voulait que l’album
instrumental suivant s’appelle Tubular Bells II
… mais pour Oldfield,
écrire une suite à l’Opus 1
n’avait pas lieu d’être (il changera
d’avis en même
temps que de maison de disque). Amarok,
c’est la revanche des guitares sur
les synthés programmés, la revanche du format
long sur le stéréotype du single,
la revanche du contexte sur le texte, la revanche du phatique sur le
conatif
(si je puis me permettre !), la revanche de la musique
imprévisible sur la
techno-pop conditionnée. On
se rend compte à l’écoute
d’Amarok, à la
fois linéaire et discontinu, qu’une
mélodie peut tour à tour devenir une ligne
de basse ou un contre-chant, et réapparaître 30
minutes plus tard juste une
fois comme ça. Mais ce n’est pas tout,
… la brosse à dent et l’aspirateur se
font rythmiques, Margaret Thatcher invite à la gigue et Mike
Oldfield mêle le
flamenco, les percus africaines, les chœurs
féminins, le blues et la polka à
des réminiscences de Tubular Bells…
et ce sans s’appesantir, car pour
empêcher Virgin de sortir un single pas plus d’une
minute ne développe la même
ambiance (enfin presque). Ça
fait du bien de savoir qu’il n’a pas
oublié ce qu’étaient un solo
ébouriffant, une envolée de flûte
irlandaise ou un
picking de guitare acoustique. J’ai passé 17
années de ma vie sans Amarok,
je compte bien passer toutes les autres en sa compagnie.

1991
Heaven’s Open Ah
la la ... Heaven’s Open ce
n’est
vraiment pas un bon cru … Cinq chansons et un long
instrumental, cette fois-ci
placé à la fin (contrairement à
« Platinum »,
« Taurus
II »,
« Crisis » et
« The Wind Chimes », tous
placés
en face A du 33 tours). De l’entrée en
matière avec « Make
Make » aux
dernières notes de « Music From the
Balcony », on cherche ce qui a pu
intéresser l’oreille, chatouiller
l’intellect, faire vibrer les cordes
sensibles, … Peut-être le nostalgique
« No Dream », le saxophone de
Courtney Pine ou les parties de clavier plutôt originales
(l’orgue jazz mêlé à
l’orgue d’église sur fond de reggae dans
« Gimme Back »). Mis à
part
ça, l’album tient en peu de choses, la guitare est
trop discrète mais toujours
à propos, et les ambiances juxtaposées de
« Music From The Balcony »
(cris d’animaux, soft jazz au piano, riff de basse binaire
façon « Peter
Gunn », breaks de batterie
agrémentés de samples de cuivres …) ne
captivent pas assez pour relever le niveau.

1992 Tubular Bells II c’est l’anti Amarok
...!

1994
The Songs Of Distant Earth Album
qui marque un tournant dans la
carrière d’Oldfield, les arrangements semblent
s’alléger, le silence fait son
entrée dans la musique, et la machine prend le pas sur
l’humain. Je ne sais pas
si je peux véritablement en parler sans avoir lu le livre du
même nom d’Arthur
C. Clarke … toujours est-il que la sauce prend
péniblement … les thèmes de
guitare et piano sont ultra dépouillés (autant ne
pas faire thématique dans ce
cas-là) et ce sont finalement les aspects ambiants (nappes,
samples) qui
sauvent la mise, comme dans le remarquable « Sunken
Forest ». 1996
Voyager

1998
Tubular Bells III
1999
Guitars

1999
The Millenium Bell C’est
un concept album, illustration des
deux premiers millénaires en onze tableaux : la
naissance de JC, la
civilisation Inca, les marchands de Venise, La Seconde Guerre Mondiale
… un
thème à propos du roi Arthur a
été composé, mais finalement
n’a pas été inclus
dans l’album. Là encore, j’ai eu du mal
à accrocher… Beaucoup de boucles de
percussions sans chaleur et sans fin (résultat, je
préfère les morceaux sans
percussions), de la musique de machines
séquencées à outrance (alors je
cherche
les morceaux moins rythmés), des voix parlées et
chantées très peu expressives
qui n’arrivent pas à donner de la vie à
l’album (du coup, je me reporte sur les
instrumentaux). Au bout du compte il ne reste plus
grand-chose : les
touchants « Lake Constance » et
« Broad Sunlit Uplands ».
Ce n’est pas donné à tout le monde de
faire trois albums en un an et demi.
C’est étonnant de la part d’Oldfield
d’avoir rattaché cet album à ses
célèbres
cloches tubulaires … comme si ça allait suffire
à en excuser le contenu … à tel
point qu’il y a cinq cloches sur la pochette, et
même pas son propre nom !
