Jordan Rudess

BIOGRAPHIE THEMATIQUE -- CHRONIQUES -- ANALYSE DE STYLE
Par Fabien Labonde

 

CHRONIQUES

Notes On A Dream 2009
The Road Home 2007
Spontaneus Combustion 2007
Online Conservatory 2007
Keyfest Live 2007
Rhythm of Time 2004
Feeding The Wheel 2001

Notes on a Dream

Jordan Rudess, juin 2009

noad

Notes on a Dream

Jordan Rudess

mai 2009 Magna Carta

chronique de Fabien Labonde - ADN

 

Reprenons Jordan Rudess là où nous l’avions laissé, avec la sortie de The Road Home (YM n°54), un album de reprises auquel avaient participé de nombreux invités. Depuis, Jordan a découvert de nouveaux jouets musicaux et téléphoniques, de l’Harpejji au Be-Bot en passant par le Tenori-On, l’Axis-64 et le Korg Nano Key…

Dans ce nouvel album, Notes on a Dream, ni invités, ni jouets mais 53 minutes de piano : Jordan reprend des morceaux de Dream Theater toutes époques confondues. Ce n’est pas pour autant un album de rupture, car les récentes prestations au piano de Jordan incluaient déjà des adaptations de DT. Dernier constat, Jordan a donc sorti deux albums de reprises d’affilée et n’a pas composé d’album complet pour ses fans depuis 2003.

Une fois le Ivory Grand Piano installé (c’est un piano virtuel, ça fait moins classe dans le salon, mais ça n’attire ni la poussière ni les termites), Jordan s’est plongé dans le répertoire de son groupe et a sélectionné trois morceaux de l’époque Kevin Moore, "Hollow Years" et "Speak To Me" de l’époque Derek Sherinian, et quatre autres de Scenes From A Memory et des albums suivants. Le point commun entre ces morceaux ? « de la musique qui repose plus sur la mélodie que sur les riffs. » (1)

Afin d’enrichir le propos musical, ou ne pas lasser l’auditeur, Rudess a fait preuve d’une très grande variété de modes de jeu : gammes, arpèges, octaves, passage de mélodie de main en main, superposition de binaire et ternaire, trilles et notes blues… Souvent le tout au sein d’un même morceau comme dans "The Silent Man". Et là c’est selon … on va du « ouaouh ça change tout ! » au « trop de trop tue le trop ».

"Perpetuum Mobile", "The Grand Escapement" et "Collision Point", trois courtes compositions - voire des études - sont là pour nous rappeler que les variations sur un thème ont des limites. Ces trois nouveautés, ainsi que l’intro d’"Another Day" qui est un nouveau morceau à elle toute seule, ont échappé aux longueurs qui caractérisent le reste de l’album. On y retrouve avec plaisir les influences de Rimsky-Korsakov, Prokofiev mais aussi Emerson qui ponctuaient déjà "Interstices" dans Feeding The Wheel en 2001.

Si je devais décerner des récompenses, il y aurait "Through her eyes" pour l’équilibre, "Speak To Me" pour la richesse de l’écriture, "Hollow Years" pour la simplicité, et "The Answer Lies Within" pour la démonstration stérile. Maintenant, à vous de juger !

 

1. Through Her Eyes
2. Lifting Shadows Off a Dream
3. Perpetuum Mobile
4. The Silent Man
5 Another Day
6. Hollow Years
7. The Grand Escapement
8. The Spirit Carries On
9. Speak To Me
10. The Answer Lies Within
11. Collision Point
12. Vacant

 

The Road Home

Jordan Rudess 2007 (Magna Carta)

http://www.jordanrudess.com/images/the_road_home_full.jpg

Les enfants, asseyez-vous en tailleur près du feu, et écoutez le magicien Jordan vous raconter l’histoire du prog en 64 minutes.

L’album commence avec des habitués … Rod Morgenstein, Neal Morse (est-ce utile de les présenter ?) et Marco Sfogli (guitariste de James LaBrie) dans une version boostée de "Dance On A Volcano", l’ouverture de l’album A Trick of the Tail de Genesis. Tout y est, y compris le riff de fous en 7/8. Rallongé d’une série de solos, le morceau revisité par Rudess dure maintenant près de 9 minutes, et le jeu très varié de Marco Sfogli fait mouche. Dans l’album original vient ensuite un morceau plus calme … dans The Road Home, pas de répit !

Car on enchaîne sur "Sound Chaser", extrait du Relayer de Yes. Patrick Moraz, qui a fait découvrir le Mini-Moog à Jordan ne pourra pas y être insensible. Dense, explosif, ce morceau est un festival. Jordan l’agrémente de sons très percussifs, joue des bends comme personne, et seule l’absence de basse se fait ressentir, tant les parties de main gauche sont discrètes. Nick di Virgilio au chant y est confondant ! Comment ne pas repenser à son interprétation magistrale de "Siberian Kathru" dans Tales From Yesterday en trio avec Kevin Gilbert et Mike Keneally. Ricky Garcia (du groupe Lafee - second solo de guitare) est très à son aise sur les doubles croches en 6/4 de Rod Morgenstein. Un troisième morceau plus calme peut-être ?

Non … moins connu d’entre vous, c’est Gentle Giant qui est ensuite mis à l’honneur avec "Just The Same". Que dire … Imaginez un groupe qui mélange rock, blues, harmonies médiévales et classiques, dissonances contemporaines, contretemps, syncopes. Et surtout ... un bassiste Ray Shulman qui joue aussi du violon et de la trompette, un chanteur Derek Shulman qui joue aussi du sax alto, un organiste : le fabuleux Kerry Minnear qui joue aussi bien du clavecin que du violoncelle et du vibraphone, un chanteur Phil Shulman qui joue aussi de la trompette et du saxophone, et un batteur qui fait des solos de malade au xylophone. De plus, ils chantent tous et font du quintette de flûte à bec ! Kip Winger, déjà présent sur Rhythm Of Time, reprend fort honorablement les parties de chant, Ron "BumbleFoot" Thal étonne (comment pourrait-il en être autrement ?) avec son solo de guitare, et Jordan se complaît à rendre le riff de clavier (du 7/4 sur un rythme de batterie en 6/4) encore plus groovy. Presque tous les sons fétiches de Jordan (époque RMP et Feeding The Wheel) y passent, le Kurzweil est à la fête ! Il avouait récemment : « j’utilise encore beaucoup ce synthé dans mon studio, il contient une grande partie de moi ».

On retrouve Yes et Genesis sur le quatrième morceau. Huit minutes de piano, hommage passionné aux mélodies de "Soon", "Supper’s Ready" et "And You And And I". Sans oublier le très profond "I Talk To The Wind" de King Crimson, où l’on entend Jordan Rudess et son super-assistant Bert Baldwin donner de la voix. Il ne manque plus que le solo de flûte, mais … il s’agit d’un "Piano Medley". Celui-là même que les heureux spectateurs des récents concerts de Blackfield ont pu entendre en première partie.

L’album contient une courte composition originale, "Piece Of the Pi", dont le début est très accrocheur, jusqu’à un nouveau ragtime au piano, la suite étant moins riche à mon goût (des breaks et de la sculpture sonore à base de Continuum très proche de Systematic Chaos en fait).

Très technique, c’est toutefois un bon amuse-gueule, quand on connaît le dessert…

Gros son, vélocité, abondance, (excès ?) voici "Tarkus". Entourés de Ron Thal, Ricky Garcia et des deux chanteurs Steven Wilson et Kip Winger, Rudess et Morgenstein en mettent partout. A écouter à fond et en courant dans le salon (comme les enfants de Neal Morse). Le "Tarkus" original entremêle trois chansons, des breaks et un déluge d’orgue, piano et synthé. Grand fan de Keith Emerson, Jordan ne pouvait pas passer à côté d’un tel monument. Il a cependant fait la part belle aux deux guitaristes, aux interventions desquels il a réservé un accompagnement tout en subtilité.

Jordan Rudess et ses invités ont repris les sections chantées assez fidèlement, les fans ne seront pas déçus, et tendront, j’en suis sûr, l’oreille à l’approche des sections instrumentales réarrangées et rallongées. Ajoutons à cela le plaisir d’entendre ces morceaux avec le bénéfice des technologies actuelles.

Pour ceux qui connaissaient déjà ces tubes, et tous ceux qui souhaitent (re)découvrir leur intensité et leur spontanéité, je vous conseille d’en écouter les versions concert : Welcome Back My Friends … pour ELP, Live at QPR Stadium pour Yes, Seconds Out pour Genesis et Playing The Fool pour Gentle Giant.

 

 

Spontaneus Combustion
LIQUID TRIO EXPERIMENT

Petit rappel : un an après l'enregistrement de Liquid Tension Experiment, Mike Portnoy, Jordan Rudess, Tony Levin et John Petrucci se retrouvent aux studios Millbrook pour enregistrer le second album de LTE.

Tony Levin vient de finir Upper Extremities avec Bill Bruford, Rudess prépare le Rudess Morgenstein Project, c'est dire si leur créativité est aiguisée. Les deux membres de DT quant à eux, reviennent d’un concert au Brésil.

On est donc en octobre 1998 et John Petrucci, qui s'apprête à devenir papa, est contraint de quitter la session, laissant un trio  ... ou plutôt 4/3 d'un quatuor ... délirer dans le studio pendant deux jours.

Une seconde session aura lieu en novembre, et certains des morceaux joués et conçus à trois prendront place sur l'album : "914", "Chewbacca" (qui sera rehaussé de guitares après coup), et "Liquid Dreams".

Magna Carta, de longues années après, publie les morceaux qui n'ont pas été retenus dans ce Spontaneus Combustion. Spontanéité, évidemment, on est dans l'impro la plus totale, les musiciens "font tourner" les riffs sur une seule tonalité, cherchent, développent, mais sans forcément faire naître la combustion ou encore la "tension" qui s'est perdue d’un intitulé de groupe à l’autre. Et c'est malheureux, car la tension, en musique, c'est souvent ce qu'il y a de plus intéressant ... on trouvera donc peu de climax dans cet album, malgré l'inventivité et certaines trouvailles ... c'est surtout la longueur qui ne pardonne pas.

Je ne parlerai pas du mixage car il n'y en a pas, on nous livre ici des captures d'impros, mais faisons fi du son, concentrons-nous sur les grandes idées ! Et il y en a quand même pour satisfaire notre mélomanie !

Peut-être pas dès le début cependant … "Chris & Kevin's Bogus Journey" m’a semblé être une entrée en matière des plus exigeantes, tant elle a mesuré ma capacité à résister à passer au morceau suivant. Heureusement "Hot Rod", dès le premier roulement de cymbales laisse entrevoir que les amateurs de tempo rapide y trouveront leur compte. Et c’est le cas ! Un déluge d’idées TGV et ultra-carrées.

Viennent ensuite trois courts morceaux, qui ont assez peu de relief hormis "RPP", sans équivoque le seul et unique morceau d’un hypothétique "Rudess Portnoy Project" dont il porte les initiales ... Rudess y utilise d’ailleurs les mêmes sons que sur le RMP. K2000 (le synthé, pas la série) quand tu nous tiens !

"Fire Dance", dont les points forts sont la montée en puissance de l’intro, l’incroyable solo de piano façon Patrick Moraz et le changement de tempo avant le final est le morceau qui souffre le moins de l’absence de post-production. Un morceau digne des LTE, si ce n’est un ou deux couacs au piano. On ne peut pas en dire autant de "Jazz Odissey", où la connivence fait grandement défaut dans le dernier tiers.

Dans les deux volets de "Rubberband Man", Portnoy joue avec les rythmes, Levin est tout en glissés, mais ça tourne un peu trop en boucle, le second volet étant le plus varié, le plus ornementé. Je retiens aussi "Holes" et "Tony’s Nightmare", qui mettent en avant Rudess pour le premier et Levin pour le second, à l’archet.

Comme si ça n’était pas explicite, "Boom Boom" est tourné vers King Crimson tant au niveau du titre que des rythmiques (à noter également la similitude avec le riff de "Troller Tanz" de Magma !).

Sachant que ces enregistrements existaient, les fans n’auraient pas compris qu’on leur cache … maintenant qu’ils sont disponibles, on se rend compte à quel point on a pu attendre trop d’un tel document d’archive. Enfin, ce Spontaneus Combustion a le mérite de montrer combien de travail il aura fallu pour élaborer LTE2 à partir de ce style de jams.

Fabien Labonde

 

 

Jordan Rudess Online Conservatory

Le conservatoire en ligne de Jordan Rudess a ouvert ses pages en 2004. De plus en plus étoffé, il s’adresse aux musiciens qui - pour une inscription de 50 dollars à vie - souhaitent se plonger dans les bases (gammes, arpèges, harmonie, rythmique, exercices pratiques…) et aussi explorer leur application aux technologies modernes. Mais nul doute que l’attrait principal c’est qu’il permet d’entrer par la grande porte dans le monde décadent et pétillant de Jordan.

Les leçons de  base s’appuient sur la première vidéo Keyboard Wizardry, avec ceci de nouveau que les exercices sont disponibles en mp3, fichier midi et partition au format pdf. On peut également laisser un commentaire et poser des questions dans le forum.

Vous me direz, le plus intéressant, c’est de passer de la théorie à la pratique… Jordan a pensé à vous, en composant une vingtaine d’études. Il s’agit de courts morceaux qui présentent tour à tour un mode de jeu particulier : les trilles, les notes répétées, les rythmiques en 7/4 ("Parker On Prog" : amateurs du Rudess Morgenstein Project jetez-vous dessus !), les renversements d’accords et d’arpèges, le jeu main droite - main gauche en miroir, l’enrichissement du jeu par ajout d’une note à l’auriculaire (le lazy pinky), l’improvisation sur la gamme pentatonique mineure et bien d’autres encore. Cette section est une mine d’or. Les non-claviéristes, je vous sens largués là …

Chaque étude est présentée par Jordan, accompagnée de conseils d’ordre musical, physique, et parfois métaphysique…

En voilà un florilège :

- Utilisez les mêmes doigtés quand vous répétez afin de faire travailler la mémoire des muscles.
- Agitez vos mains, bras ballants, dès que la tension se fait sentir. Soyez gentils avec votre corps, soyez bons avec votre esprit.
- Je recommande l’utilisation du métronome. C’est un point essentiel de l’apprentissage. Dans les loges de mon groupe Dream Theater, on entend le métronome de John Petrucci tiquer encore et encore. Parfois, même quand il ne joue pas, il le laisse en route pour rester concentré.
- N’oubliez pas de respirer.
- Ce qui ressemble à des petits points noirs jetés au hasard sur une page peut vite se transformer en musique organisée.

On peut aussi apprécier le conservatoire pour autre chose que la théorie, à savoir sa collection de riffs (en mp3 et pdf) avec des partitions réalisées par Jordan Baker et Chris Romero (ceux-là même qui co-écrivent les méthodes et songbooks de Jordan). En vrac : l’arpège speed de "The Glass Prison", les doubles-croches haletantes de "The Test That Stumped Them All", l’inénarrable ragtime de "The Dance Of Eternity", le trio en panoramique de "Honor Thy Father", le thème barré d’"Insectsamongus", le duo guitare - clavier de "Never Enough" ainsi que 7 extraits de Systematic Chaos qui ont été ajoutés peu après la sortie de l’album.

Peu de musiciens le savent, mais les guitaristes et batteurs ont eux aussi des leçons en vidéo. Elles sont présentées par Chris Amelar (que l’on a pu entendre aux côtés de Jordan Rudess il y a 14 ans dans Listen) et Charlie Zeleny qui a joué en duo avec Jordan dans des shows organisés par la firme Roland.

Dans un anglais très compréhensible, Charlie Zeleny explique les bases, puis passe en revue un certain nombre de techniques qu’il juge appropriées au jeu typé prog. Chaque chapitre est suivi d’un extrait de concert de Charlie Zeleny avec son groupe Behold the Arctopus. J’ai surtout retenu comment il incorpore dans un groove des fla (un coup piano et un coup forte simultanés), et le jeu en double pédale. Ça donne envie de s’intéresser davantage à ce batteur !

Les leçons de guitare s’appuient beaucoup sur la théorie, Chris Amelar y présente les gammes de base et les modes grecs. Et puis bien sûr, la description usuelle des techniques de guitares : jeu au médiator, sauts de cordes, harmoniques… académique, mais très bien expliqué. Le tout dans un style allant du blues au jazz-rock. Les 5 jams du niveau III en apportent la preuve. Chris Amelar a écrit beaucoup d’articles sur le style de John Petrucci, mais il faut bien dire qu’ici, on en est assez loin.

Les guitaristes bénéficient aussi de 19 exercices dispensés par Jordan lui-même, il y est surtout question de jeu au médiator en allers-retours et d’accentuation des temps forts sur des mesures impaires.

En matière de vidéos pédagogiques, le clavier demeure paradoxalement le parent pauvre sur ce site … pour ceux qui possèdent déjà le dvd Keyboard Madness, rien de nouveau à se mettre sous la dent, puisque les exercices et riffs du conservatoire en sont extraits. On y retrouve les séquences d’échauffement, la construction des sons, et on peut voir Jordan jouer des riffs et des leads des albums de Dream Theater, Liquid Tension Experiment et Rudess Morgenstein Project.

Cependant, pas de partitions ici, on ne peut donc pas véritablement parler de leçons…

Mais ce que j’ai trouvé le plus bluffant sur ce site, c’est l’immense contribution de Richard Lainhart (compositeur, voisin et ami de Jordan, extraordinaire personne ressource en matière de musique électro-acoustique) qui nous gratifie d’un voyage à travers la synthèse analogique, celle des vieux synthés qui ressemblent à des centraux téléphoniques. Plus de deux heures trente de présentation exhaustive avec en prime un générique digne du manège enchanté !

Fabien Labonde – ADN.

 

 

Jordan RUDESS - DVD - Keyfest Live ! 2004

D’abord faisons un petit rappel sur l’emploi du temps de Jordan pendant l’été 2004 :

3, 5 et 6 juillet : concerts de Dream Theater en Italie avec des groupes locaux,
7 juillet : Keyfest à Este,
5 août : concert avec Rod Morgenstein à l’école Berklee de Boston,
17 août : début de la tournée Nord-américaine Yes - Dream Theater,
31 août : sortie de l’album
Rhythm Of Time.

Vous remarquez comme un creux en juillet ? C’est parce que Jordan Rudess préparait la journée du 25 : le Keyfest de New York - masterclass, jam et concert pour la somme de 50 dollars. Masterclass, tout d’abord : trois heures de cours de synthé, où des élèves soigneusement auditionnés ont pu jouer leurs morceaux devant maître Jordan qui écrivait les grilles d’accord, les analysait, et donnait des conseils en matière de composition ou de doigtés. Puis un jam, avec l’équipe de Progressive Transcriptions, les responsables du conservatoire en ligne, et des membres du forum de Jordan Rudess.

Cela peut en décevoir certains, le DVD ne montre rien de tout ça, il est consacré au concert, et uniquement au concert (pas de bonus, pas de commentaire audio – donc pas de traduction dans le prochain fanzine !). Même la présentation de Jordan par Bert Baldwin au début du show a été coupée. C’est tout compte fait le premier DVD de Jordan qui ne soit pas pédagogique. Quoique, le regarder jouer est forcément pédagogique… et énervant !

 Parlons du son. Dans les morceaux accompagnés par une bande, le clavier est surmixé (je vous entends déjà dire "contrairement à Score"). Le son global est très sec, trop peut-être pour du live, et le montage fait peu de place aux applaudissements ou aux interventions de Jordan entre les morceaux. On n’entendra le son de sa voix qu’après 1h55 de musique, pour remercier le public. Parfois, on distingue comme un bourdonnement, c’est Jordan qui chantonne pendant ses improvisations (un conseil qu’il donne souvent). Jordan joue sur un Triton Extreme relié à un Karma, deux synthés de marque Korg. Le Karma était présent sur scène depuis la tournée 6DOIT, et le Triton Extreme a été utilisé comme intermédiaire entre le Kurzweil et l’Oasys. Le Karma a maintenant disparu des concerts de DT, puisque sa technologie a été intégralement incorporée à l’Oasys.

 Le concert commence par "Stream Of Consciousness" et je crois que nous serons tous d’accord pour dire que débuter un concert par ce morceau c’est très osé ! Jordan passe ensuite au piano à queue (un Steinway) pour "Silent Mountain", une impro aussi fiévreuse que le mémorable solo de piano qu’il avait joué à Bruxelles en janvier 2004, en intro de "Death On Two Legs" de Queen. Vient ensuite "Escape", solo de harpe sur fond de nappes, où Jordan balaye les 88 notes du Triton sur des arpèges évocateurs, pendant lesquels on aimerait bien pouvoir respirer un peu plus souvent ! Quelques clics plus tard, voilà un autre morceau connu : "Time Crunch". Fait étrange, sur la jaquette Rod Morgenstein, Vinnie Moore, Dave Larue et Daniel J ne sont pas crédités. Joe Satriani, Bill Ruyle et Steve Morse (invités sur "Screaming Head" et "RA", autres morceaux de Rhythm Of Time également interprétés en avant-première lors du concert) ne le sont pas non plus. C’est un peu dommage d’avoir choisi les mêmes morceaux que sur le DVD Keyboard Madness.

Viennent ensuite deux types d’impros : les regardez tout ce que je sais faire au piano où Jordan pioche dans son répertoire de modes de jeu pour agrémenter des thèmes initialement pleins de retenue, et les délires synthétiques atonaux que sont "Cartoon Giant" et "Madness", véritables ovnis où les sons électriques se joignent aux rythmiques du Karma, à des cris d’animaux et autres onomatopées. Hommage au public italien que Jordan venait de quitter, "Italia Con Amore" est un duo accordéon - guitare qui nous fait regretter le manque de fidélité de la restitution sonore du Korg. Dans le registre un peu plus jazz, mentionnons "Star Cove 2004", très nuancé, avec de belles pompes (rien à voir avec les chaussures de Jordan, c’est une technique de main gauche qui consiste à alterner une note de basse et un accord, ce qui ici renforce l’effet swing).

Le concert se termine sur un "In The Name Of God" un peu trop sage et "Symphonic Twinkle" (version speed d’"Ah ! Vous Dirai-je Maman") après lequel il devient plus que nécessaire de faire réviser le piano ! Petit regret : l’absence d’une footcam, il aurait été très utile d’observer l’utilisation que fait Jordan de sa collection de pédales. Mais c’est vrai, je chipote.

 

 

RHYTHM OF TIME

Rhythm_Of_Time

Reprenons Jordan Rudess où nous l'avons laissé. Ses albums solo orientés rock ont toujours su éviter les clichés du clavier prog : orgue Hammond, nappes de Mellotron, sons de base du Mini-Moog et autres coquetteries vintage. Le dernier en date, Feeding the Wheel, était un album dont la richesse et l'audace avaient failli brûler la lentille de ma platine.
Fin 2003, Jordan s'est enfermé 14 jours en studio pour écrire et enregistrer Rhythm Of Time, en apparence prolongement de Feeding the Wheel qui serait passé à travers le filtre de Train Of Thought - mais avec Rod Morgenstein à la batterie, le train n'a pas la même bestialité ! Au menu donc, enchaînement de sections rythmiques, chorus entremêlés et ... que de guitares ! Ou plutôt, que de guitaristes ! Je relèverai surtout l'apport de Greg Howe à "Beyond Tomorrow", un long solo évolutif à l'amorce jazz-rock et se concluant dans un style shred plus proche de ce que ce guitariste a pu jouer aux côtés de Vitalij Kuprij. Steve Morse est une fois de plus de la partie, brillamment d'ailleurs, et il en a profité pour apporter dans ses bagages le bassiste Dave Larue (c'est un vrai camp de vacances pour Dixie Dregs cet album !). Les autres invités (Joe Satriani, Vinnie Moore et Daniel J) s'installent aisément dans les arrangements qui leur sont confiés, mais avec largement moins de brio à mon goût.
L'album comporte huit morceaux, et se détachent du lot "Insectsamongus" pour ses gammes et son assise rythmique et la chanson "Beyond Tomorrow" pour ses sons inédits et la variété de l'écriture ("One For The Vine" de Genesis y a laissé son empreinte). Sont aussi présentes quatre compositions musclées : "Time Crunch", "Screaming Head" et son thème à la Rudess Morgenstein Project, "What Four" et ses multiples changements de tempo ainsi que "Ra", heureux fourre-tout qui nous ressert le sitar de "Home", l'accordéon de LTE et les cuivres syncopés de "Stream Of Consciousness". La dernière plage accueille le piano de "Tear Before The Rain", aux choeurs qui rappellent Queen ou A.C.T. En bref, Jordan Rudess nous livre ici un album moins surprenant que son prédécesseur, mais tout aussi explosif. Est-il nécessaire de préciser qu'il apportera aux déçus de TOT la couleur qui lui fait défaut ?
Pour ceux qui sont intéressés par des albums instrumentaux inspirés par le même thème, je vous conseille tout d'abord Time Odissey de Vinnie Moore (avec un certain Jordan R. aux claviers) et Chronologie de Jean-Michel Jarre (fable techno pop enrichie par la présence de Patrick Rondat) mais aussi Time Machine de Joe Satriani (une compilation) et le jazz rock pétillant de Time Is The Key (Pierre Moerlen's Gong avec Allan Holdsworth comme invité).

Let us consider again Jordan Rudess where we had left him. His rock-oriented solo albums have always avoided the stereotypes of progressive keyboard :  heavy Hammond organ, Mellotron, basic sounds of the Mini-Moog and other vintage clichés. The previous album, Feeding The Wheel (Magna Carta 2001), was an album so rich and audacious that it nearly burnt the lens of my CD-reader.  At the end of 2003, Jordan locked himself up 14 days in his studio to write and record Rhythm Of Time and had to mix it before going in tour again in January.  Now it's easier to understand the title of the album and the tempo of some tracks !

 This new album seems to be a sequel of Feeding The Wheel which would have been passed through the filter of Train Of Thought - but with Rod Morgenstein on drums, the train has much more subtlety !  We find in here : sequences, rhythm sections, intermingled choruses and... so many guitars!  Or rather, so many guitarists!  I especially appreciated the contribution of Greg Howe in "Beyond Tomorrow", a long evolutionary solo starting in a jazz-rock mood and concluding itself in a shred style close to what this guitarist could play with Vitalij Kuprij.
Steve Morse is once more a brillant special guest, and bring in his luggage bass player Dave Larue (this album is a real holiday camp for Dixie Dregs !). The other guests (Joe Satriani, Vinnie Moore and Daniel J, which also recorded the rhythmic guitars) easily fit in the arrangements that are entrusted to them, but with less brio in my opinion.

 The album is made of eight tracks, and the most amazing are "Insectsamongus" for its variety and its rhythmic extravaganza and "Beyond Tomorrow" for its new sounds and the quality of the structure (Genesis' One For The Vine left its print there).
Four dynamic tunes  also appear : "Time Crunch", "Screaming Head" and its RMP taste, "What Four" and its multiple tempo changes and "Ra", a happy patchwork which makes LTE's accordion, the syncopated brass of "Stream Of Consciousness" and the final sound of "Home" appear again (except that the tablas are real ones).
"Bar Hopping With Mr. Picky" is less agitated, but makes us remember of Feeding The Wheel by its resemblance to "Ucan Icon". The last track lets the piano talk, it is "Tear Before The Rain", where singer Kip Winger is joined by Jordan and Bert Baldwin for Queen or A.C.T-like background vocals.
In short, Jordan Rudess releases here an album less surprising that its predecessor, but quite as explosive. Is it necessary to specify that RoT is able to bring to ToT disappointed fans the musical colours that missed them ?

les musiciens de Rhythm Of Time
Rudess - Larue - Howe - Moore - Satriani - J - Morse - Morgenstein

 

 


FEEDING THE WHEEL

FeedingTheWheel

Ca fait maintenant un mois que j'ai Feeding the Wheel et je l'écoute abondamment ! Les invités sont bien choisis, bien que cela ne soit pas très surprenant ! Des musiciens comme Billy Sheehan (le bassiste de Milène), Steve Morse et John Petrucci ont un son bien à eux, et cela devient trop facile. Quoi qu'ils jouent, on est tentés de se dire "ouah la maîtrise !!!". En fait, je m'attendais à ce qu'ils jouent différement, afin de donner une couleur supplémentaire aux morceaux de Jordan. Eh bien à l'écoute de ces morceaux, j'ai apprécié leur prestation, mais je n'ai trouvé que des couleurs que je connaissais déjà. Exception faite pour Bozzio qui m'a bluffé et le violoniste Mark Wood au grain si particulier !

Quant aux compos elles-mêmes, elles sont suffisamment bizarres pour me plaire !!!

Un regret : j'éprouve une certaine lassitude à entendre le son de cuivre/cordes qui sert à jouer les mélodies, et toujours le même son utilisé pour les solos et les cadences. Il n'en reste pas moins que tout ce que l'on entend à l'arrière plan (au casque) est un incroyable fourmillement effervescent de trouvailles sonores.

En résumé, l'album est "élevé" car super bien conçu, "épais" car on n'est jamais en train de penser que c'est joli mais quand même un peu creux ; la matière n'est à mon avis pas assez "large" : peut-être un défaut de mixage, ou d'utilisation des effets, ou encore de répartition des arrangements qui sont, certes, riches mais mériteraient d'être plus déployés dans l'espace.

les musiciens de feeding the wheel
Rudess - Friesen - Bozzio - Petrucci - Morse - Sheehan - Wood

 



Feeding the Wiz
par Fabien Labonde

Afin de rendre plus concrète cette analyse de style, j'ai tenté de réunir en un seul morceau les tics d'écriture de Jordan les plus flagrants. Reproduire ses sons et son toucher ne m'étant pas permis (je n'ai ni ses synthés, ni ses mains) je me suis concentré sur la composition et les ambiances. Vous trouverez donc en téléchargement sur le site de Your Majesty "Feeding The Wiz", un pastiche de cinq minutes à la manière de Jordan.
Quelques détails :
- le solo de piano vient d'un fichier midi nommé "Progfest" anciennement disponible sur le site de Jordan, que j'ai détourné et reprogrammé.
- tendez l'oreille, un sample est issu de l'intro de "Home".
- une bonne partie des breaks de batterie est issue des morceaux du Rudess Morgenstein Project.
- le solo de guitare a été composé et enregistré par Aldric de Montfort officiant  dans Aching Beauty (http://www.aching-beauty.com).
- la conclusion reprend des passages complets de l'intro.
A TELECHARGER ICI : Feeding The Wiz

 

 

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